Etudiants
4/4/2025

Représenter la jeunesse française au Y20 : dialogue entre deux générations de délégués

Entretien croisé entre Mahir Er-Rabty, étudiant BSB sélectionné pour le prochain sommet Y20, et Jean-Baptiste Boyssou de l’Institut Open Diplomacy, ancien chef de délégation Y20

Chaque année, le Y20, sommet officiel des jeunes leaders du G20, réunit des délégations du monde entier pour porter la voix des nouvelles générations auprès des décideurs internationaux. Mahir Er-Rabty, étudiant en Master Grande École à BSB, spécialisation Audit Expertise Conseil, a été sélectionné parmi 184 candidats pour rejoindre la délégation française qui participera à l’édition 2025 en Afrique du Sud.

Ce format, créé il y a 15 ans par l'Institut Open Diplomacy sous le haut patronage du Président de la République à la veille du G20 de Cannes, a pour mission d’intégrer davantage la société civile dans les recommandations faites aux chefs d’État. Cette année, le contexte géopolitique est particulièrement complexe, avec le basculement de l’administration américaine et la polarisation croissante entre pays aux visions divergentes, alors que les tensions semblent faire passer la nécessaire transition écologique au second plan.

Pour évoquer cette aventure, nous avons réuni Mahir et Jean-Baptiste Boyssou, qui a présidé le jury de sélection cette année et qui dirige le programme de leadership de l'Institut Open Diplomacy. Chef de la délégation au Y20 de Jakarta (Indonésie, 2022) et délégué au Y20 de Delhi (Inde,2023), il partage son expérience et ses conseils pour permettre à Mahir de tirer le meilleur parti de cette expérience unique.

Un immense honneur et une grande responsabilité

Mahir, qu’as-tu ressenti lorsque tu as appris ta sélection pour représenter la France au Y20?

C’était une véritable explosion de sentiments ! De la joie, bien sûr, et une immense fierté de pouvoir représenter la France à un tel sommet. C’est un honneur de porter la voix de la jeunesse française. Mais très vite, j’ai ressenti aussi une forme de responsabilité : celle de défendre des enjeux qui comptent vraiment. Aujourd’hui encore, j’ai du mal à réaliser ce qui va se passer, mais je suis impatient ! Il y a un peu d’appréhension, mais surtout beaucoup de motivation.

Jean-Baptiste, qu’est-ce qui t’a marqué dans le profil de Mahir lors de la sélection?

Nous avons reçu 184 candidatures pour n’en retenir que 9. Nous voulions une délégation représentative de la jeunesse française. Mahir nous a convaincus sur trois aspects clés.

D’abord, son approche pragmatique. Son parcours en alternance contribue manifestement à lui donner une vision très concrète, qui va à l’encontre de la posture déclaratoire qu’on peut parfois retrouver chez certains candidats qui imaginent la diplomatie loin du quotidien.

Ensuite, sa motivation. Il a été par exemple le seul candidat à envoyer spontanément une vidéo de motivation, ce qui a démontré son engagement, son sérieux et aussi son originalité.

Enfin, son adaptabilité. Lors des sélections, nous avons perçu un candidat capable de naviguer entre différentes cultures et de dialoguer aussi bien avec un Indonésien qu’un Argentin. Une qualité essentielle pour le Y20.

Donner un rôle central à la jeunesse dans la gouvernance mondiale

Mahir, quels sont les sujets que tu souhaites défendre lors du Y20?

Ma mission principale sera d’œuvrer pour une meilleure intégration des jeunes dans les processus de décision. Les négociations se font entre délégués des pays représentés au Y20 et répartis par thématique. Je suis engagé dans  le track “Enjeux sociaux” du Y20 : il s’agit de défendre l’inclusion, l’égalité femme-homme, l’accès aux opportunités et le rôle de la jeunesse, y compris dans la gouvernance mondiale. Mais d’autres enjeux sont aussi essentiels, comme la transition écologique ou l’encadrement éthique de l’IA, qui sont abordés dans d’autres filières de négociations. Je suis convaincu que l’Afrique du Sud offre un cadre particulièrement intéressant pour ces discussions.

Jean-Baptiste, toi qui as participé à deux éditions du Y20, quels conseils donnerais-tu à Mahir?

Le Y20 est un espace unique : nous représentons la voix des jeunes, et non les positions officielles de nos gouvernements, même si nous interagissons bien entendu avec eux pour comprendre leurs enjeux prioritaires. Cela nous donne une vraie liberté d’expression !

Mon conseil : sois curieux ! Curiosité intellectuelle, car il faut s’intéresser à d’autres sujets que les siens. Curiosité culturelle surtout, car ce sommet est une formidable opportunité de confronter ses idées et de se nourrir de celles des autres. Le Y20 est une expérience qui forge des leaders. On en ressort avec une vision enrichie et des arguments solides pour agir au sein de nos propres territoires.

Une préparation intense avant d’entrer dans l’arène diplomatique

Mahir, comment te prépares-tu pour ce sommet?

Ma préparation repose sur trois axes. Je me documente sur les problématiques du sommet en lisant des études et des rapports internationaux. J’échange avec d’anciens délégués et des experts grâce aux séminaires organisés par l’Institut Open Diplomacy. Et grâce à tout cela j’améliore mes compétences en négociation et mes connaissances des enjeux diplomatiques. Cela se fait donc à la fois en autonomie et grâce à l’accompagnement de l’Institut Open Diplomacy, partenaire de BSB.

J’espère que ces efforts me permettront de mener des négociations actives et fructueuses. Mon objectif personnel est d’apprendre un maximum et de porter notre plaidoyer à toutes les échelles. Ma seule appréhension ? La complexité du contexte géopolitique actuel, qui risque de rendre les consensus difficiles à atteindre… mais c’est aussi ce qui rend l’expérience encore plus passionnante !

Former collectivement les leaders de demain

Jean-Baptiste, en quoi le Y20 est-il une expérience unique qui façonne les jeunes leaders?

Le Y20 ne se limite pas à une simple participation au sommet de jeunesse qui précède le sommet du G20 : il façonne effectivement les futurs leaders du monde. Et cela par le biais d’un travail qui n’est pas individuel, mais d’un effort collectif. L’une des grandes forces de ce sommet, c’est la co-construction : nous ne défendons pas des idées seules, mais nous élaborons ensemble des solutions concrètes.

Les échanges avec des experts et la confrontation avec d’autres visions du monde font du Y20 une expérience transformante. On apprend à dépasser ses propres croyances, à intégrer de nouveaux points de vue et à se positionner en tant que citoyen engagé et acteur du changement. C’est ce qui fait l’ADN de l’Institut Open Diplomacy depuis que notre think tank a créé le Y20 (2011) : une compréhension fine des crises et enjeux contemporains pour former des futurs leaders capables de s’atteler à tous ces défis.

Un rôle citoyen renforcé

Comment cette expérience influence-t-elle votre engagement en tant que citoyens du monde?

Jean-Baptiste : En 2025, avec le retour de Trump et l’émergence de nouvelles tensions internationales, il est plus important que jamais de former des jeunes capables d’agir face à la polycrise, c’est-à-dire à la conjugaison de crises majeures (géopolitiques, écologiques, socio-économiques…). Ce programme permet de passer de la sidération face à l’état du monde et de la planète à l’action pour un futur désirable et un présent souhaitable. Cette expérience au Y20 transforme nos délégués en véritables ambassadeurs du changement.

Mahir : Cette expérience renforce ma conviction que la jeunesse doit et surtout peut jouer un rôle central à tous les niveaux. Il ne faut pas voir petit, mais penser global et agir local. Cette aventure m’encourage encore plus à m’engager pour être un citoyen actif, et je suis persuadé que chacun peut avoir un impact, à son échelle.

Jean-Baptiste : Le passage de témoin est d’autant plus important que la France accueillera le G7 en 2026 ! L’Institut Open Diplomacy présidera, pour la troisième fois, le Y7 sur le territoire français. C’est un formidable défi à venir, qui mobilisera notre think tank et ses 15 promotions d’anciens délégués, incluant  la délégation actuelle : Mahir sera alors un mentor pour la future délégation. La boucle est bouclée ! 

Crédit photos : Adrien Thibault